"... Il était une fois Safi KERPEN, à Fès.

C’était le 7 octobre 2002 , le jour de l’anniversaire de Gilles.

Nous remontions d’Essaouira quand, un peu avant Safi,“quelque chose” qui sortait du fossé... un tout petit animal, un gros rat, un bébé hyène ? “C’est quoi ça ?” Un camion nous suivait.

Marche arrière pour protéger cette “chose” des roues du camion. Nous nous sommes arrêtés et l’avons cueillie. Un bébé-chien. Je l’ai pris dans le creux de mes mains, il a bu, bu, encore bu dans celles de Gilles qui servaient d’écuelle. Je l’ai installé sur mes genoux.
Son pelage crasseux grouillait d’insectes noirs très gros. Ses yeux n’avaient pas de regard, ils étaient tout blancs, l’iris rejeté sur le côté.

Dans une station service, nous lui avons donné un peu de notre tajine. A l’hôtel, on lui a donné un bain.

La baignoire était éclaboussée d’un nuage de puces. Gilles a achevé de l’épouiller à la main, puis le chiot s’est endormi, lové entre nous. Le lendemain alors que nous allions visiter Fès nous avons trouvél’American Fondouk et vous avons rencontré. Vous nous avez appris que ce bébé-chien était une petite chienne âgée de plus ou moins un mois. Nous lui avons alors donné le nom de Safi.

Vous nous avez expliqué que bien des chiots naissaient dans la nature de mère mal nourrie et que la cécité était le lot de la plupart des petits. Mais, souvent, nous avez-vous dit, la vitamine A à forte dose permettait à ces petits chiens de retrouver la vue au bout de quelques semaines. Après la consultation, vous avez accepté de nous la garder pendant que nous visitions le souk. Je pense que vous avez du vous dire que nous ne reviendrions pas. Et bien si. Nous sommes revenus la chercher. Vous avez établi un certificat pour sortir la du Maroc. La vitamine A n’a pas donné les résultats attendus mais l’iris s’est remis dans l’axe et Safi a eu des yeux comme les autres chiens jusqu’à ce que une membrane recouvre l’oeil mort d’un voile rouge. Safi a voyagé, clandestine au fond de mon sac, jusqu’en France, dans les Landes.

Au retour nous sommes allés consulter à Toulouse à l’école vétérinaire spécialisée en ophtalmo, pour savoir si on pouvait l’opérer. Aucun espoir. Après réflexion, nous avons choisi de la garder.
Aujourd’hui,elle a 7 ans. Nous sommes, depuis, des maîtres de chienne aveugle. Chacun s’est adapté à sa condition.